Bruxelles I bis. Validité d’une clause attributive de juridiction. Exclusion de l’application d’une loi de police.
- heleneperoz
- 3 avr.
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Civ. 1, 2 avril 2025, n° 23-12.384
Mme [O] [W], a ouvert en 2010 à titre professionnel un compte Instagram accessible sur les réseaux depuis la plateforme de la société Meta platforms Ireland Limited (Meta Platforms).
Les conditions générales d'utilisation de ce compte comprennent une clause attributive de juridiction au profit des tribunaux irlandais en cas de litige.
Invoquant le piratage du compte, Mme [W] et sa société VRT ont introduit une action en indemnisation contre la société Meta platforms devant une juridiction française.
La société Meta platforms a soulevé l'incompétence de la juridiction française.
La Cour d’appel déclare les juridictions françaises incompétentes.
La question porte sur la validité d'une clause attributive de compétence comprise dans des conditions générales du contrat.
En l’espèce s’appliquait le règlement européen n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, Bruxelles I bis
Ce dernier prévoit dans son article 25 la possibilité pour les parties de conclure une clause attributive de juridiction.
Article 25
1. Si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un État membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet État membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. La convention attributive de juridiction est conclue:
a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite;
b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles; ou
c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée.
La demanderesse au pourvoi invoque l’article 1171 du code civil français qui prévoit que « dans un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite ».
Elle considère que cette règle de droit interne constitue une loi de police au sens du Règlement (CE) nº 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).
Une loi de police peut-elle être invoquée pour justifier de la nullité d’une clause attributive de juridiction ?
On sait qu’une clause attributive de juridiction reste efficace en dépit de l'applicabilité d'une loi de police au fond du litige
Civ. 1, 22 Octobre 2008 - n° 07-15.823, Monster Cable. ( https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019686034/ )
La question est tout autre dans cette affaire car la loi de police est invoquée pour faire annuler la clause attributive de juridiction.
La loi de police est définie par l’article 9 du Règlement n° 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles de Rome I invoqué par la demanderesse au pourvoi.
Une loi de police est une disposition impérative dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d'après le présent règlement.
Or, le même règlement exclu dans son article 1-2- e) les conventions d'arbitrage et d'élection de for.
Ne pouvait donc être invoqué le règlement Rome I pour remettre en cause la validité de la clause attributive de juridiction.
Reste à savoir si le règlement de Bruxelles I bis, seul applicable à la question de la validité de la clause, prévoit la réserve des lois de polices.
La réponse de la Cour de cassation à la question est sans ambiguïté.
Elle applique à la question de la validité de la clause attributive de juridiction le seul article 25 du Règlement de Bruxelles I bis. Or, cet article ne prévoit pas la réserve des lois de police.
Par conséquence une loi de police ne peut pas être invoquée pour faire annuler une clause attributive de juridiction.
Ainsi, l’article 1171 du Code civil Français n’était pas applicable. La question de la validité de la clause relève du droit irlandais dont les tribunaux ont été désignés compétents comme le prévoit l’article 25 du règlement de Bruxelles I bis.
Cette décision intervient après celle de la Cour de justice de l’Union européenne qui a admis la validité des clauses attributives de juridictions asymétriques, par nature déséquilibrée, en application du seul article 25 du Règlement de Bruxelles I bis.
CJUE, 27 février 2025, Aff. C‑537/23, Società Italiana Lastre SpA (SIL) contre Agora SARL ( https://www.hélènepéroz.fr/post/r%C3%A8glement-bruxelles-i-bis-clause-attributive-de-juridiction-asym%C3%A9trique-lic%C3%A9it%C3%A9-crit%C3%A8re-autonome )
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