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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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Photo du rédacteurheleneperoz

Compétence internationale. Extension article 46 du CPC. Qualification d'un contrat de distribution.


Civ. 1, 13 avril 2023, n° G 22-15.689



Une société de droit israélien a accordé à la société de droit français Eurofood la distribution exclusive de plusieurs produits sous sa marque en Union européenne et en Suisse pour une durée de cinq ans à compter du 1er mars 2016, en contrepartie d'objectifs quantitatifs.


Invoquant des manquements contractuels et une rupture abusive du contrat, la société Eurofood a assigné la société israélienne devant le tribunal de commerce de Paris.


La société israélienne soulève l’incompétence des juridictions françaises.


La cour d’appel considère que les juridictions françaises sont compétentes.


Elle relève que la société israélienne, défenderesse devant le tribunal de commerce de Paris, demeure en dehors de l'Union européenne (Israël) et qu’aucune clause attributive de juridiction n’a été conclue et qu’aucune compétence exclusive ne pouvait être relevée. Par conséquent, les règles du code de procédure civile s'appliquent à la détermination de la compétence internationale des juridictions françaises.


En effet, le règlement n°1215/2012 du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale dit Bruxelles I bis s’applique dans trois hypothèses :


Le défendeur est domicilié dans un Etat membre de l’Union européenne (art. 4)

Une clause attributive de juridiction désigne une juridiction d’un Etat membre de l’Union européenne (art. 25)

L’existence d’une compétence exclusive (art. 24).


Aucune des hypothèses n’était présente en l’espèce. L’article 6-1 du règlement Bruxelles I bis renvoie alors aux règles de droit international privé de chaque Etat membre.


En l’absence de convention internationale entre Israël et la France, la compétence internationale directe reposait donc sur les règles de droit international privé de droit commun.


Les arrêts Pelassa ( Civ., 19 octobre 1959) et Scheffel (Civ., 30 octobre 1962) posent le principe de l’extension des règles de compétences territoriales internes dans l’ordre international.


L’article 42 du Code de procédure civile ne permettait pas de saisir les juridictions françaises, le défendeur étant domicilié en Israël.

Il ne restait donc que l’article 46 du Code de procédure civile.


Selon l’article 46 du Code de procédure civile

Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction où demeure le défendeur :

- en matière contractuelle, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service.


La question était donc de savoir si le contrat de distribution conclu entre les parties relevait d'un contrat de ventre ou d’un contrat de prestation de service. Il s’agit donc de d‘identifier l’obligation caractéristique du contrat afin de déterminer l’option de compétence par extension dans l’ordre international de l’article 46 du Code de procédure civile.


Selon la Cour d’appel la qualification de contrat de vente doit être écartée au profit de celle de contrat de prestation de service.


La prestation caractéristique à savoir, les services consistant à la distribution des marchandises et la participation d'Eurofood à la stratégie commerciale de Soy Magic ont été exécutés en France.


La société Israélienne forme un pourvoi en Cassation et retient que le contrat de distribution relevait d’un contrat de vente


La Cour de cassation rejette le pourvoi


Elle rappelle qu’Il résulte de l'article 46 du code de procédure civile, que lorsqu'il n'y a ni convention internationale ni règlement européen relatif à la compétence judiciaire, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne, de sorte que le demandeur peut, en matière contractuelle, saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, la juridiction du lieu de la livraison effective de la chose ou du lieu de l'exécution de la prestation de service.

Elle retient la qualification de contrat de prestation de service du contrat de distribution. En effet comme la relevé la Cour d’appel la Société israélienne « demeurait en dehors de l'Union européenne et relevé, d'une part, que les livraisons successives de ses produits étaient régies par un contrat-cadre qui faisait participer la société Eurofood à sa stratégie commerciale et imposait à celle-ci des objectifs de vente contraignants, d'autre part, qu'elle consentait en contrepartie à la société Eurofood un droit personnel exclusif de distribution concernant le marché Kasher de l'Union européenne et de la Suisse, qu'elle s'interdisait de concurrencer Eurofood sur ce marché, qu'elle s'engageait à participer aux coûts de promotion et à transmettre à Eurofood toutes les commandes ou demandes de renseignements qu'elle recevait d'acheteurs des territoires concernés et que ces avantages avaient une valeur économique qui pouvait être considérée comme étant constitutive d'une rémunération »


La Cour de cassation en déduit donc que le contrat portait sur une prestation de service et que le lieu de son exécution se situait en France, par conséquent les juridictions françaises étaient compétentes par extension à l’ordre international de l’article 46 du Code de procédure civile.

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