Civ. 1, 30 septembre 2020, n°19-14.761
M. P... , de nationalités française et suisse, et Mme C... , de nationalités suisse, irlandaise et danoise se sont mariés en Suisse en 2004. De leur union sont nés deux enfants. A la suite de la séparation des époux, un tribunal suisse a rendu le 9 novembre 2015 une décision par laquelle il s’est déclaré incompétent à l’égard des mesures concernant les enfants et compétent pour statuer sur les obligations alimentaires entre les époux.
Le 21 janvier 2016, M. P... a déposé une requête en divorce au tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse. Les enfants étaient en résidence alternée en France chez leur père et en Suisse chez leur mère. A compter d’octobre 2016, la résidence principale des enfants a été fixée exclusivement en Suisse. Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 6 mars 2017, dont M. P... a interjeté appel.
La Cour d'appel se déclare compétente pour statuer sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. En effet, à la date de l’introduction de la requête en divorce, en janvier 2016, les enfants étaient en résidence alternée, chez leur mère en Suisse et chez leur père en France à l’ancien domicile conjugal. La Cour d'appel relève que les enfants étaient scolarisés en France, qu’ils avaient depuis plusieurs années, le centre habituel de leurs intérêts dans ce pays, où ils étaient intégrés dans leur environnement social et familial.
Ce n'est qu'en cours d'instance, en octobre 2016, à la suite de l’incarcération de leur père, que les enfants ont résidé exclusivement en Suisse, où ils ont été scolarisés avec l’accord de celui-ci.
Mme C forme un pourvoi en cassation.
La compétence internationale directe en matière de responsabilité parentale est régie par deux textes : La convention de La Haye du 19 octobre 1996 (que la Suisse a ratifiée) et le règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis.
La convention de La Haye ne joue en matière de compétence qu'entre Etats parties, le règlement Bruxelles II bis ne joue qu'entre Etat membre de l'Union européenne.
Les deux textes donnent compétence aux autorités de la résidence habituelle de l'enfant.
Que décider en cas de changement de résidence des enfants en cours d'instance ?
L'autorité compétente au moment de l'introduction de la demande le reste-t-elle suite au changement de résidence ou doit-elle se dessaisir au profit des autorités de la nouvelle résidence ?
La Cour d'appel de Lyon était bien compétente au moment de sa saisine en application du Règlement de Bruxelles II bis. La Cour d'appel maintient sa compétence après le changement de résidence en Suisse.
La Cour de cassation casse l'arrêt au visa de l’article 5 de la Convention de La Haye du 19 octobre 1996, entrée en vigueur en Suisse le 1er juillet 2009 et en France, le 1er février 2011, ensemble l’article 61 du règlement (CE) n° 2201/2003 du 27 novembre 2003
L'article 61 du Règlement Bruxelles II bis prévoit que celui-ci prime sur la convention de La Haye de 1996 "lorsque l’enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre".
L'article 5 de la Convention de La Haye prévoit que la compétence des autorités de la résidence de l'enfant et "en cas de changement de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre Etat contractant, sont compétentes les autorités de l'Etat de la nouvelle résidence habituelle", alors que l'article 8 du Règlement de Bruxelles II bis prévoit que "Les juridictions d’un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l’égard d’un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie".
Or, les enfants ont leur nouvelle résidence en Suisse, Etat non membre du Règlement de Bruxelles II bis.
Selon la Cour de cassation, la résidence habituelle des enfants avait été licitement transférée en cours d’instance dans un Etat partie à la Convention du 19 octobre 1996 mais non membre de l’Union européenne, de sorte que seule cette Convention était applicable, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Le changement de résidence des enfants a entrainé un changement de texte applicable (la convention de La Haye et non plus le Règlement de Bruxelles II bis) qui a entrainé un changement de juridictions compétentes (les juridictions suisses et non plus les juridictions françaises). En effet, la convention de la Haye donne compétence aux autorités de la nouvelle résidence (là où le Règlement de Bruxelles II bis maintien la compétence de l'autorité de la résidence au moment de la saisine).
Remarque : si les enfants avaient eu leur nouvelle résidence dans un Etat membre de l'Union européenne, alors le juge français restait compétent car seul l'article 8 du Règlement de Bruxelles II bis s'appliquait.
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