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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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Photo du rédacteurheleneperoz

Contrat d'adoption sans autorisation du père : pas de contrariété à l'ordre public international


Civ. 1, 6 novembre 2019, n°18-17111


https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/903_6_43850.html


Un couple marié de Français domicilié en France ont une fille, A. Y.

Après leur divorce en 1972, le femme se remarie en Allemagne où elle y réside dorénavant avec sa fille.


Par contrat du 11 septembre 1975, la fille A. Y. a été adoptée « en qualité d’enfant commun » du nouveau couple, sans le consentement du père. Ce contrat d’adoption a fait l’objet d’une homologation judiciaire par le tribunal d’Offenburg, par décisions des 11 et 25 novembre 1975.


De son côté, le père par le sang de A. Y. s'est remarié et a eu une fille B. Y. Ce dernier décède.


Un acte de notoriété établit après le décès mentionne la seconde fille B. Y. comme unique héritière., ce que conteste la première fille A. Y.


B. Y assigne A. Y devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin qu’il soit constaté que cette dernière n’avait pas la qualité d’héritière.


Se pose donc la question de l'effet du contrat d'adoption conclut en Allemagne sur la succession du père par le sang. La question est d'autant plus délicate, car une loi allemande du 2 juillet 1976 a converti de plein droit les adoptions simples en adoptions plénières entraînant la rupture des liens juridiques avec la famille d’origine, même pour les adoptions antérieures à son entrée en vigueur.


La Cour d'appel considère qye A. Y. n’a pas la qualité d’héritière réservataire de la succession de son père par le sang, qu’elle doit être tenue pour légataire à titre particulier de certains biens et que Mme B. Y. recevra l’intégralité de la succession.


Dans un premier temps, la demanderesse au pourvoi remet en cause l'adoption puisque son père par le sang n'y a pas consenti et qu'aucune décision suppléant l’absence de consentement n'est produite.


La Cour de cassation relève que Mme B. Y. produit le contrat d’adoption du 11 septembre 1975 et deux décisions du tribunal d’Offenburg des 11 et 25 novembre 1975 portant validation et homologation judiciaire de ce contrat ; que l'arrêt d'appel constate qu’il résulte des démarches entreprises par celle-ci auprès des services compétents que le jugement du 20 mars 1975 ayant remplacé l’autorisation du père par le sang a été détruit, raison pour laquelle il n’est pas produit ; qu’il ajoute que ce jugement est visé dans le contrat homologué et que seule la régularité internationale de la décision d’homologation doit être examinée.


Dans un deuxième temps, la demanderesse au pourvoi soulève la contrariété de l'adoption avec l'ordre public international de fond en ce que le père par le sang n'a pas donné son consentement et l'ordre public procédural.


La Cour de cassation considère que le recours à une décision judiciaire afin de suppléer le consentement du père n’était pas, en soi, contraire à l’ordre public international français et que la Cour d'appel n’avait pas à apprécier les motifs de cette décision étrangère, ensuite, qu’aucune violation des principes fondamentaux de la procédure ayant compromis les intérêts d’une partie n’était démontrée ; qu’elle en a déduit que l’ordonnance portant homologation du contrat d’adoption devait produire effet en France, justifiant ainsi légalement sa décision au regard des règles gouvernant l’ordre public international.


La demanderesse remet en cause également la conversion de plein droit de l'adoption de 1975 en adoption plénière en application de la loi allemande postérieure.


La Cour de cassation relève que si l’adoption avait, en Allemagne, jusqu’à la loi du 2 juillet 1976, des effets juridiques limités, sans incidence sur les droits successoraux de l’enfant, cette loi a instauré une adoption plénière qui, pour les mineurs, rompt les liens entre ceux-ci et les parents par le sang ; qu’aux termes de ses dispositions transitoires, cette loi nouvelle s’applique de plein droit, à compter du 1er janvier 1978, aux enfants mineurs adoptés sous l’empire de l’ancienne loi, de sorte que, sauf opposition, l’adoption, qui avait les effets d’une adoption simple, se transforme de plein droit en adoption entraînant la rupture des liens juridiques avec la famille d’origine ; qu’aucune déclaration s’opposant à cette « conversion » de l’adoption de A. Y. n’a été enregistrée, de sorte que sa situation est régie par la loi nouvelle ; que la cour d’appel, qui n’avait pas à appliquer les articles 370-3, alinéa 3, et 370-5 du code civil dès lors qu’elle n’était saisie ni d’une requête en adoption ni d’une demande de conversion de l’adoption simple en adoption plénière, en a exactement déduit que, l’ordonnance du 25 novembre 1975 produisant en France des effets identiques à ceux produits en Allemagne, A. Y. n’avait pas la qualité d’héritière réservataire de son père par le sang.


Enfin, A. Y. invoque la contrariété avec l'ordre public international de la conversion de plein droit de l'adoption simple en adoption plénière.


La Haute juridiction constate que la Cour d'appel relève qu’au lien juridique unissant A. Y. à son père par le sang s’était substitué, par l’effet attaché à la décision d’adoption par la loi nouvelle, un lien juridique nouveau l’unissant à son père adoptif et qu’elle avait bénéficié des dispositions du droit allemand qui en résultaient, d’autre part, que ce lien était ancien et que A. Y. avait eu une vie familiale avec ses parents adoptifs durant plusieurs dizaines d’années, la cour d’appel a pu en déduire que c’est le refus de reconnaître en France le lien de filiation dont l’adoptée bénéficiait depuis aussi longtemps en Allemagne qui serait contraire à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Attendu, enfin, qu’après avoir rappelé les dispositions de l’article 12, § 2, de la loi allemande du 2 juillet 1976, aux termes desquelles la loi nouvelle s’appliquait de plein droit aux enfants mineurs adoptés sous l’empire de l’ancienne loi, la cour d’appel a retenu qu’en présence d’une décision de justice ayant suppléé le consentement du père, la « conversion » opérée par cette loi, d’une adoption produisant les effets d’une adoption simple en une adoption produisant les effets d’une adoption plénière, n’était pas contraire à l’ordre public international français ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa décision.


Le pourvoi est donc rejeté.


Ainsi, c'est non seulement l'adoption allemande qui est reconnue mais aussi les effets que lui attache la loi allemande.








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