CJUE 6 juillet 2023, affaire C‑462/22
Un ressortissant allemand, et une ressortissante polonaise, se sont mariés en Pologne au cours de l’année 2000. Ils y ont vécu avec leurs enfants jusqu’au mois de juin 2012 au moins.
Le 27 octobre 2013, l’époux a engagé une procédure de divorce en Allemagne, faisant valoir qu’il avait quitté le domicile conjugal au mois de juin 2012 et s’était établi, depuis lors, au domicile de ses parents, dans sa ville natale en Allemagne.
Son épouse soulève l’incompétence internationale des juridictions allemandes, essentiellement au motif que son époux avait, après avoir quitté le domicile conjugal, conservé une résidence habituelle en Pologne durant la majeure partie de l’année 2013.
Les juges allemands ont accueilli l’exception d’incompétence et ont rejeté la demande de divorce de l’époux comme étant irrecevable.
Ils considèrent que si l’époux avait, certes, acquis une résidence habituelle en Allemagne à la date de l’introduction de la demande de divorce, à savoir le 27 octobre 2013, il n’avait pas démontré qu’il justifiait d’une telle résidence habituelle dans cet État membre tout au long des six mois précédant cette date, à savoir depuis le 27 avril 2013, contrairement à ce qu’exigerait l’article 3, paragraphe 1, sous a), sixième tiret, du règlement °2201/2003.
La Cour fédérale de justice Allemande saisit la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.
Elle demande si le demandeur doit justifier d’une résidence habituelle dans l’État membre de la juridiction saisie dès le point de départ des délais fixés à cette disposition ou si une simple résidence suffit, pour autant que cette dernière acquière un caractère habituel au plus tard à la date de l’introduction de la demande de dissolution du lien matrimonial.
S’appliquait en l’espèce le Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000.
En matière de divorce, ce dernier prévoit différentes options de compétence au bénéficie du demandeur.
L’article 3-1-a tiret 6 visé dans l'arrêt prévoit la compétence du tribunal de la « résidence habituelle » du demandeur à la condition qu’il y ait « résidé » depuis au moins six mois immédiatement avant l'introduction de la demande et s'il est soit ressortissant de l'État membre en question.
Dans notre espèce, le demandeur prétend résider en Allemagne depuis juin 2012 et engage une procédure de divorce en octobre 2013.
Les juridictions allemandes lui reprochent de n’avoir pas démontré qu’il avait une résidence habituelle en Allemagne tout au long des 6 mois précédent la saisine des juridictions, à savoir le 27 avril 2013.
La question de la résidence du demandeur dans l’Etat dont il est ressortissant se pose en deux temps dans notre arrêt.
1 : Le demandeur doit avoir sa résidence habituelle sur le territoire de l’État membre dont il est un ressortissant à la date de l’introduction de sa demande de dissolution du lien matrimonial, aspect qui n’est pas contesté en l’occurrence
2 : La question porte sur la notion de résidence dans le délai antérieur à la saisine. Le texte de l’article 3-1-a tiret 6 dispose que le demandeur doit « avoir résidé » au moins 6 mois avant la saisine de la juridiction.
La « résidence » de 6 mois doit elle être interprétée indépendamment de la « résidence habituelle » ?
Selon le point 28, la CJUE considère que compte tenu du contexte dans lequel s’inscrit l’article 3, paragraphe 1, sous a), sixième tiret, du règlement no 2201/2003 ainsi que des objectifs poursuivis par celui-ci, l’exigence selon laquelle le demandeur doit résider dans l’État membre dont il est ressortissant depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de la demande ne saurait être interprétée indépendamment du critère de la « résidence habituelle » également énoncé à cette disposition.
Elle en déduit qu’ il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre la notion de « résidence » et celle de « résidence habituelle », distinction qui aurait pour conséquence d’affaiblir le critère de détermination de cette compétence
Ainsi, selon la CJUE, L’article 3, paragraphe 1, sous a), sixième tiret, du règlement du règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) no 1347/2000, doit être interprété en ce sens que : cette disposition subordonne la compétence de la juridiction d’un État membre pour connaître d’une demande de dissolution du lien matrimonial à la circonstance que le demandeur, ressortissant de cet État membre, rapporte la preuve qu’il a acquis une résidence habituelle dans ledit État membre depuis au moins six mois immédiatement avant l’introduction de sa demande.
Pour rappel, selon un arrêt visé par la CJUE (CJUE, 25 novembre 2021, affaire C‑289/20) la notion de « résidence habituelle » est caractérisée, en principe, par deux éléments, à savoir, d’une part, la volonté de l’intéressé de fixer le centre habituel de ses intérêts dans un lieu déterminé et, d’autre part, une présence revêtant un degré suffisant de stabilité sur le territoire de l’État membre concerné.
Il appartient alors au demandeur de prouver que dans les 6 mois précédent la saisine des juridictions de l’Etat dont il est ressortissant, il y avait sa résidence habituelle.
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