top of page

Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

abstract-1303775__340.png
  • Photo du rédacteurheleneperoz

Déplacement illicite d’enfants. Irrecevabilité de l’appel principal du parquet. Formalisme excessif.


Civ. 1, 5 avril 2023, n° 22-21.863



Deux époux français ont en France trois enfants nés en 2010, 2012 et 2014.


La famille s'installe à l'Ile Maurice en décembre 2014.


A l'issue des fêtes de fin d'année 2019, la mère, partie avec les enfants en France, s'est opposée à leur retour à l'Ile Maurice.


Le 15 janvier 2020, le père a saisi l'autorité centrale de l'Ile Maurice en vue d'obtenir le retour immédiat des enfants, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.


Le 10 juillet 2020, le procureur de la République près le tribunal judiciaire d'Amiens a saisi, à cette fin, le juge aux affaires familiales. Le père est intervenu volontairement à l'instance.


Par ordonnance de référé du 10 juillet 2020, le juge aux affaires familiales a constaté que le non-retour des enfants à l'Ile Maurice était illicite et rejeté la demande de retour, au motif qu'il existait un risque grave que celui-ci ne les expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne les place dans une situation intolérable.


Le ministère public a interjeté appel de cette décision. Le père fait un appel incident.


La Cour d’appel déclare irrecevable l’appel du parquet sur le fondement de l‘article 930-1 du code de procédure civile qui impose, à peine d'irrecevabilité, de transmettre sa déclaration d'appel par voie électronique. En l’espèce le parquet avait formalisé cette déclaration d'appel sur papier. La transmission le même jour au greffe par voie électronique avait échoué en raison d'une « erreur du ministère public sur le type d'adresse accepté par le réseau privé virtuel des avocats ».


Par conséquent, l’irrecevabilité de l’appel principal a pour conséquence que l’appel incident du père n’est pas examiné.


Le père se pourvoit en cassation et invoque l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sur le droit à un procès équitable. En effet, l’irrecevabilité de l’appel du parquet constitue une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge en matière de déplacement illicite d'enfants.


La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au vise des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les articles 6 et 7 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et l'article 1210-4 du code de procédure civile.


Elle rappelle le « rôle central et particulier » du parquet dans le cadre de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.


Elle cite l’arrêt Henrioud c. France du 5 novembre 2015 (n° 21444/11) de la Cour européenne des droits de l’homme.



Cet arrêt concernait un enlèvement international d’enfant. Le pourvoi principal du procureur avait été déclaré irrecevable et par voie de conséquence celui du père. Dans cet arrêt, la CEDH a considéré que le père s'était vu imposer une charge disproportionnée qui rompait le juste équilibre entre, d'une part, le souci légitime d'assurer le respect des conditions formelles pour saisir les juridictions et, d'autre part, le droit d'accès au juge.


Selon la Cour européenne si le droit d’exercer un recours est bien entendu soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter un excès de formalisme qui porterait atteinte à l’équité de la procédure (…) Il en est ainsi quand l’interprétation par trop formaliste de la légalité ordinaire faite par une juridiction empêche, effectivement, l’examen au fond du recours exercé par l’intéressé.


La Cour de cassation en conclut qu’en statuant ainsi, en faisant prévaloir dans la procédure de retour immédiat engagée par le père sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, le principe de l'obligation, pour le ministère public, qui avait un rôle central et particulier en la matière, de remettre sa déclaration d'appel par voie électronique, ce qui a eu pour effet de rendre irrecevables les prétentions tendant au retour des enfants, formées par M. [E] en qualité d'appelant incident, la cour d'appel a fait preuve d'un formalisme excessif et a, partant, violé les textes susvisés.


141 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout
bottom of page