Civ. 1, 3 novembre 2021, n°20-12.006
Mme [P], de nationalité française, et M. [Z], de nationalité belge, se sont mariés en France le 2 septembre 1995. Après avoir fixé leur résidence en Belgique où sont nés leurs trois enfants, ils se sont installés en Inde le 27 juillet 2012.
Le 14 juin 2013, alors que la famille se trouvait en France, l'épouse a saisi le juge aux affaires familiales d'une requête en divorce. Un arrêt du 11 décembre 2018, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 15 novembre 2017, pourvoi n° 15-16.265, Bull. 2017, I, n° 232) a constaté l'incompétence des juridictions françaises pour statuer sur cette requête.
En effet, en juin 2013, le défendeur résidait en Inde et la demanderesse, Française, ne résidait pas en France depuis 6 mois à compter de la requête. Quant à l'éventuelle application de l'article 14 du Code civil, elle se trouve exclue par les articles 6 et 7 du Règlement de Bruxelles II bis car le défendeur a la nationalité d'un État membre de l'Union européenne.
Le 21 novembre 2014, M. [Z] a assigné Mme [P] en la forme des référés devant le juge aux affaires familiales pour voir ordonner une expertise psychiatrique des membres de la famille et voir fixer les modalités de son droit de visite et d'hébergement. Mme [P] a sollicité reconventionnellement l'exercice exclusif de l'autorité parentale et la condamnation du père à payer une contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants.
La Cour d'appel d'Orléans déclare le juge français incompétent pour statuer en la forme des référés, tant sur la responsabilité parentale que sur l'obligation alimentaire. La Cour d'appel se fonde sur le lieu de résidence des enfants le 14 juin 2013, soit au moment de la requête en divorce. Ces derniers résidaient alors en Inde.
La Cour de cassation suite au pourvoi de Mme P, casse l'arrêt d'appel.
Elle vise tout d'abord deux règlements européens : l'article 8 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (Bruxelles II bis) et l'article 3 du règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 en matière d'obligations alimentaires.
Elle rappelle fort justement que "la compétence internationale en matière de responsabilité parentale dépend d'éléments de fait et de droit distincts de ceux qui commandent la compétence en matière de désunion", même si les règles relèvent du même règlement Bruxelles II bis.
En matière de responsabilité parentale, c'est la résidence des enfants qui détermine la compétence du juge. La résidence s'apprécie au moment de la saisine de la juridiction.
La question qui se pose est de savoir quand apprécier la résidence des enfants : au moment de la requête en divorce ou au moment du référé relatif au droit de visite ?
La Cour d'appel apprécie la résidence des enfants au moment de la requête en divorce, ce que sanctionne la Cour de cassation. Selon la première chambre, la Cour d'appel devait apprécier la résidence des enfants à la date de l'assignation en la forme des référés relative à l'exercice du droit de visite et d'hébergement et non pas au moment de la requête en divorce.
Il appartenait donc à la Cour d'appel de rechercher si en novembre 2014 les enfants résidaient en France pour déterminer la compétence des juridictions françaises.
La résidence des enfants s'apprécient donc à la date de la saisie de la juridiction de la demande relative à la question de la responsabilité parentale.
Or, force est de constater que la demanderesse n'avait pas saisi le juge français de la question relative à la responsabilité parentale au moment de la requête en divorce en 2013. Cette demande n'a été faite qu'en novembre 2014, c'est donc à cette date que devait s'apprécier la compétence du juge français concernant la responsabilité parentale.
Quant à la compétence en matière d'aliment, elle découlait de la compétence en matière de responsabilité parentale car accessoire à cette dernière.
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