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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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  • Photo du rédacteurheleneperoz

Instauration d'un droit de prélèvement dans les successions internationales. Appréciations critiques




L'article 13 du projet de loi veut instituer un droit de prélèvement sur les biens situés en France dans l'hypothèse où la loi étrangère applicable à la succession ne connaitrait pas la réserve héréditaire.


Instituer un droit de prélèvement nous paraît complètement contraire à la philosophie du règlement européen 650/2012.


Comment un État membre de l’UE peut-il par une disposition nationale réduire le champ d’application d’un règlement européen ?


Ce droit de prélèvement sera impraticable :


Quid du droit de prélèvement en cas d’incompétence des tribunaux français ?

Supposons que le défunt étranger réside en dehors de la France mais dans l’UE. La loi applicable ne connaît pas de la réserve. Il a des biens en France. Comment le droit de prélèvement pourra-t-il jouer puisque les tribunaux français seront incompétents pour la succession ?


Quid du morcellement de la succession transfrontière ?

Si la loi française s’impose en plus de la loi étrangère, alors nous sommes face à un morcellement de la succession transfrontière. Or, ce morcellement est exclu par la Règlement européen n°650/2012 dans son considérant 37.


Quid du critère d’application du droit de prélèvement ?

Le critère d’application est la présence des biens en France et la résidence dans l’UE des héritiers ou défunt ou leur nationalité « européenne ». Je pense alors que l’on retombe dans le travers de l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 qui a été jugé inconstitutionnel.

Dans cette hypothèse, que décider si des héritiers résident dans l’UE et d’autres résident hors UE ? Le défunt résidait hors UE, seul un héritier réside dans l’UE, les autres vivent dans un Etat non-membre de l’UE. Doit-on faire jouer le droit de prélèvement pour tous alors que seul un héritier remplit le critère d’application du droit de prélèvement ?


Rupture d’égalité entre les héritiers.

Supposons que le défunt ait des biens en France, mais que les critères de résidence et de nationalité « européenne » ne sont pas remplis. Les héritiers ne pourront pas bénéficier du droit de prélèvement. Nous nous retrouvons avec la même difficulté que le prélèvement de l’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 qui a été jugé anticonstitutionnel car ce droit de prélèvement méconnaitrait le principe d’égalité devant la loi.


Quid d’une loi étrangère qui connait de la réserve mais dans une proportion moindre que la France ?

Supposons que les critères d’application du droit de prélèvement sont remplis. La loi étrangère prévoit un pourcentage moindre que celle de la réserve héréditaire française. Le droit de prélèvement doit-il jouer ?


Quid d’une loi qui ne connait pas de la réserve mais que les enfants ont été gratifié par le défunt ?

Soit une loi étrangère qui ne connait pas de la réserve héréditaire. Le défunt a gratifié sur des biens situés à l’étranger ses enfants mais dans une proportion moindre que la réserve française. Le droit de prélèvement devra-t-il jouer sur les biens situés en France ?


Quid des cas de litispendance et d’inconciliabilité des décisions ?

Si le défunt ne résidence pas en France et qu’il n’a pas la nationalité française, les tribunaux français sont incompétents pour régler la succession. A supposer que le juge français se considère compétent sur le fondement de la présence de biens en France (article 10), sa décision concernant le droit de prélèvement sera inconciliable avec une décision d’un Etat membre de l’UE ayant appliquer la loi étrangère. Que faire ?


Ce ne sont que quelques réflexions, je ne doute pas que d’autres difficultés tant théoriques que pratiques sont envisageables. Quoi qu’il en soit, ce droit de prélèvement serait pour moi contraire à règles instituées par l’Union européenne pour les successions transfrontières.

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