Civ. 1, 14 avril 2021, n°19-24.773
Les faits sont les suivants : [K] [Y], dont le dernier domicile était situé à Simrishamn (Suède), est décédée en 2013, laissant pour lui succéder ses trois enfants, [V], [L] et [N]. Le 7 mars 1961, elle avait fait donation à une association d’un bien immobilier situé en France.
Le 26 septembre 2014, les héritiers ont assigné l’association devant le tribunal de grande instance de Nanterre en réduction de la libéralité.
En l'espèce le Règlement (UE) n°650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions, et l'acceptation et l'exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d'un certificat successoral européen ne s'appliquait pas puisque le décès est intervenu avant le 17 août 2015 (art. 83 Règl).
S'appliquait donc la jurisprudence antérieure pour déterminer la compétence des tribunaux et la loi applicable.
Comme le rappelle la Cour de cassation, il faut distinguer selon la nature mobilière ou immobilière de la succession.
"Vu les principes régissant les successions internationales applicables aux successions ouvertes avant le 17 août 2015 :
Selon ces principes, les tribunaux français sont compétents pour statuer sur une succession mobilière lorsque le défunt avait son domicile en France. Ils sont compétents pour statuer sur une succession immobilière pour les immeubles situés en France".
La Cour d'appel de Versailles retient la compétence des tribunaux français pour l'action en réduction de la donation portant sur l'immeuble situé en France.
Par un raisonnement surprenant, elle considère que l’action en réduction est soumise à la loi de situation de l’immeuble donné, que la loi française est donc applicable et que le juge français a, dès lors, compétence pour connaître du litige.
La Cour de cassation par une cassation sans renvoi, refuse ce raisonnement est déclare que "la détermination de la juridiction compétente ne dépendait pas de la loi applicable au litige, mais de la nature de l’action successorale".
On ne peut qu'approuver cette solution. Pour autant, nous n'oublions pas que la Cour de cassation a déjà eu l'occasion de déterminer le compétence des juridictions françaises parce que la loi française était applicable à la succession suite à un renvoi de la loi espagnole vers la loi française, ce que nous avions nommé renvoi juridictionnel (Tassel-Carvalho, Civ . 1, 23 juin 2010, n°09-11.901, Clunet 2010.1263).
Il fallait donc déterminer la nature mobilière ou immobilière de l'action en réduction pour déterminer la compétence des tribunaux français.
Selon la Cour de cassation, cette nature est déterminer selon la loi du for. En effet, il s'agit de déterminer l'application de règles de droit international privé françaises, la qualification doit se faire lege fori.
Elle considère que "l’action en réduction exercée par les héritiers réservataires contre le donataire d’un immeuble, qui ne tend pas à la restitution en nature de l’immeuble mais au paiement d’une indemnité de réduction et présente, dès lors, un caractère mobilier, relève de la compétence des tribunaux du pays où le défunt avait son dernier domicile".
Ainsi, il faut distinguer selon l'objet de l'action en réduction. Si cette dernière tendait à la restitution en nature de l'immeuble, elle aurait été de nature immobilière et donc les tribunaux français aurait été compétent.
En l'espèce l'action en réduction tendait au paiement d'une indemnité, de nature mobilière. Puisque le dernier domicile du défunt n'était pas en France, les tribunaux français n’étaient pas compétents.
Une dernière remarque sur le raisonnement de la Cour de cassation. Elle déduit de la nature mobilière de l'action en réduction que celle-ci relève des tribunaux du pays où le défunt avait son dernier domicile. Voilà qui est surprenant. Les règles de compétence international directe françaises ne permettent de déterminer que la compétence des tribunaux français, en aucun cas la compétence des tribunaux étrangers. Seules les règles de compétence suédoises détermineront la compétence des tribunaux suédois
Seule l’existence d'une convention internationale entre les États ou un règlement européen pour les États membres de l'Union européenne permettent au juge français de déterminer la compétence de juridiction étrangère.
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