Civ.1, 13 avril 2023, n° 22-13.449
Le 6 juin 2015, circule en Espagne, un camion, appartenant à la société Picardie Autotrans, auquel est attelée une remorque assurée par Gan assurances. Il percute et endommage un portique de lavage appartenant à la société Transportia Murcia, assurée par la société Generali.
Le 28 septembre 2015, Generali indemnise son assurée, dans les limites des garanties souscrites et lui alloue la somme de 40 000 euros.
Le 10 novembre 2016, le tribunal de première instance de Murcia homologue l'accord intervenu entre Generali, la société Transportia Murcia et la société Van Ameyde Espana intervenant pour le Gan aux termes duquel le Gan versera dans le mois:
-9500 euros à la société Transportia Murcia
-36500 euros à Générali,
sans préjudice de son recours contre l'assureur du camion.
La société Gan a par acte en date du 8 décembre 2020 fait assigner la société Picardie Autotrans propriétaire du camion devant le tribunal judiciaire d’Amiens aux fins d'obtenir sa condamnation à lui régler la somme de 46 000 euros versée à la société Transportia Murcia et à son assureur Generali.
La Cour d’appel déclare l’action irrecevable comme prescrite en application de la loi espagnole.
La Société Gan forme un pourvoi en cassation au moyen duquel elle rappelle que la Convention de La Haye du 4 mai 1971 est inapplicable aux recours subrogatoires exercés par les assureurs.
S’applique donc selon elle le droit français et plus particulièrement l’article R. 211-4-1 du code des assurances :
Lorsqu'un train routier, tel que défini à l'article R. 311-1 du code de la route, est impliqué dans un accident de la circulation, la personne lésée peut exercer l'action directe au choix contre l'assureur du véhicule tracteur ou contre l'assureur de la remorque. L'assureur saisi de l'action doit garantir la responsabilité de l'ensemble du véhicule articulé à l'égard de la personne lésée, pour le compte de qui il appartiendra et dans les limites du contrat.
Se posait donc la question de savoir si l’action de l’assureur contre le propriétaire du train routier relevait ou non d’une action subrogatoire au sens de la convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d’accidents de la circulation.
En l'espèce, la question relève bien du domaine matériel de la Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accidents de la circulation routière.
On aurait pu songer à l'application du Règlement (CE) n°864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles («Rome II»). Pour autant, le Règlement réserve lui-même l'application de convention internationale dans son article 28-1 lorsque cette convention est conclue entre Etats membres et Etats tiers à l'Union européenne, ce qui est le cas de la convention de La Haye de 1971.
L’article 2-5 de la convention de La Haye précise que celle-ci ne s’applique pas
: aux recours et aux subrogations concernant les assureurs.
La Cour de cassation précise la notion de subrogation qui ne relève pas de la convention de La Haye de 1971.
Selon la Cour de cassation il résulte bien de l’article 2-5 de la Convention qu'est exclue la détermination de la loi applicable à l'obligation contractuelle en vertu de laquelle un assureur est tenu d'indemniser la victime d'un accident de la circulation routière.
En revanche, n'est pas exclue du champ d'application de la Convention la détermination de la loi applicable à l'obligation extra-contractuelle en vertu de laquelle la personne responsable du dommage est tenue d'indemniser la victime ou l'assureur subrogé dans les droits de celle-ci.
Or, comme l’a déjà défini la Cour de cassation dans un arrêt de la deuxième chambre civile du 23 novembre 2017, n° 16-21.664, auquel se réfère la Cour d’appel dans cette espèce :
« l'article R. 211-4-1 du code des assurances a uniquement pour but de faciliter l'indemnisation des personnes lésées en leur offrant la possibilité de réclamer l'intégralité de celle-ci, soit à l'assureur du véhicule à moteur, soit à celui de la remorque, la cour d'appel a exactement retenu que le recours que ce texte ouvre à l'assureur qui a pris en charge cette indemnisation pour le compte de qui il appartiendra contre l'assureur de l'autre partie de l'ensemble routier n'est pas soumis à un régime propre de responsabilité de plein droit et pour moitié, mais renvoie au droit commun de la responsabilité »
L’article R. 211-4-1 du Code des assurances est donc destiné à faciliter l'indemnisation des personnes lésées et ne bénéficie pas aux assureurs.
La société Gan assurances, assureur de la remorque, agissait en tant que subrogée dans les droits de la victime contre le propriétaire du tracteur impliqué dans un accident survenu en Espagne. Cette action relevait du droit commun. Il en résulte que cette action n’est pas une action subrogatoire exclue au sens de l’article 2 de la Convention de La Haye du 4 mai 1971.
Par conséquent, la convention de La Haye de 1971 était applicable. Elle prévoit dans son article 1er l’application de la loi interne du lieu de l’accident, soit l’application de la loi espagnole. Or, la loi espagnole soumet l'action en responsabilité à un délai de prescription d'un an à compter de la découverte par la victime de la faute ayant causé le dommage de sorte que l'action introduite par la société Gan assurances était irrecevable comme prescrite. La Cour de cassation a donc rejeté le pourvoi.
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