Respect de la vie privée et action en recherche de paternité après une adoption plénière
- heleneperoz
- 15 oct. 2020
- 3 min de lecture
Civ. 1, 14 octobre 2020, n°19-15.783
B X... est née le 28 avril 1955 en Angleterre de Lola Mary Y.... Elle a été déclaré à sa naissance sous le nom de X... alors même qu'elle n'a jamais été reconnue C X..., français domicilié en France.
Un arrêt a condamné C X..., à verser à B X... des subsides sur le fondement de l'article 342 du code civil, dans sa rédaction alors en vigueur ; qu'après le décès de sa mère en 1963, B X... a été adoptée en 1966 en Angleterre par M., cousin de sa mère. Cette adoption produisait les effets de l’adoption plénière du droit français, en application de l’article 370-5 du code civil.
Par acte du 12 juillet 2010, B X... a fait assigner C X... en recherche de paternité ; que ce dernier étant décédé en 2011, son fils est intervenu à l'instance ;
La Cour d'appel déclare recevable l'action en recherche de paternité et ordonne une expertise biologique.
La Cour d'appel retient que le droit au respect de la vie privée et familiale impose d’établir un juste équilibre dans la pondération des intérêts concurrents, à savoir, d’un côté, le droit de B X... de connaître son ascendance et de voir établir légalement celle-ci, de l’autre, le refus de C... X... lorsqu’il était vivant, puis de son héritier, qui se sont opposés systématiquement aux demandes de B X... et, enfin, l’intérêt général lié à la sécurité juridique.
La Cour de cassation casse au visa de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Elle considère qu'en l'espèce l'irrecevabilité de l'action en recherche de paternité qui constituait une atteint à la vie privée de B X.. n'était pas disproportionnée.
En effet, B X..., qui connaissait ses origines personnelles, n’était pas privée d’un élément essentiel de son identité, d’autre part, que C... X..., puis son héritier, n’avaient jamais souhaité établir de lien, de fait ou de droit, avec elle, de sorte qu’au regard des intérêts de l'héritier de C X..., de ceux de la famille adoptive et de l’intérêt général attaché à la sécurité juridique et à la stabilité des liens de filiation adoptifs, l’atteinte au droit au respect de la vie privée de Mme X... que constituait l’irrecevabilité de l’action en recherche de paternité ne revêtait pas un caractère disproportionné, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Selon l'article 370-5 du Code civil
L'adoption régulièrement prononcée à l'étranger produit en France les effets de l'adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant. A défaut, elle produit les effets de l'adoption simple. Elle peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause.
En l'espèce, l'adoption prononcée en Angleterre produisait les effets d'une adoption plénière en France.
Selon l'article 311-14 du Code civil
La filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant ; si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant.
Or, la loi anglaise compétente faisait obstacle à la reconnaissance d’un lien de filiation qui viendrait contredire celui créé par l’adoption.
Il était donc évident que l'action en recherche de paternité de B X... était irrecevable. C'est pourquoi elle invoque la violation de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle considère que l'irrecevabilité de sa demande était une ingérence disproportionnée à sa vie privée et familiale. La Cour de cassation en ce fondant sur cet article 8 et en appréciant les intérêts en présence exclut, quant à elle, tout caractère disproportionné.
Excellent article qui soulève des questions essentielles sur l'équilibre entre vie privée et droits biologiques. En tant que praticien du droit de la famille, j'aimerais apporter quelques éclairages complémentaires sur cette thématique complexe.
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