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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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  • Photo du rédacteurheleneperoz

Rome II. Accès en France à un site internet Espagnol (GPA). Préjudice subi en France.


Civ. 1, 23 novembre 2022, n°21-10.220



L'association Juristes pour l'enfance (l'association) a mis en demeure la société OVH, en sa qualité d'hébergeur de sites, de retirer sans délai le contenu d'un site internet édité par la société de droit espagnol Subrogalia (la société Subrogalia), afin qu'il ne soit plus accessible sur le territoire français, en application des dispositions de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN).


L'association considère que le contenu de ce site est illicite comme proposant son entremise entre une mère porteuse et un client désireux d'accueillir l'enfant portée par elle, alors que la gestation pour autrui (GPA) est interdite en France et pénalement sanctionnée.


Face à l'inaction de l'hébergeur, l'association assigne la société OVH afin qu'il lui soit fait injonction, sous astreinte, de rendre inaccessible le site internet litigieux et qu'elle soit condamnée à lui payer des dommages-intérêts. La société OVH a assigné en intervention forcée la société Subrogalia.


La demande de dommage intérêt est fondée sur l’accessibilité en France du contenu d'un site internet édité par une société espagnole qui est hébergée par une société française.


Se posait donc la question de la loi applicable à la responsabilité délictuelle de l'hébergeur français du site internet édité par la société espagnole.


S'appliquait en l'espèce le Règlement n°864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles («Rome II»)


Selon l'article 4 du Règlement de Rome II :


"La loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent."


Reste à déterminer le pays où le dommage est survenu.


La Cour d'appel fait application de la loi française conformément à l'article 4 du Règlement de Rome II.


Si le fait générateur du dommage se trouve en Espagne, elle considère que le dommage est subi en France.


Elle considère que "les informations contenues sur le site internet de la société espagnole étaient accessibles en français, que la société Subrogalia y affirmait travailler avec des clients de quatre pays dont la France et que le public français était la cible du site"


La cour d'appel en déduit que "le site internet litigieux était manifestement illicite en ce qu'il contrevenait explicitement aux dispositions, dépourvues d'ambiguïté, du droit français prohibant la GPA et qu'il avait vocation à permettre à des ressortissants français d'avoir accès à une pratique illicite en France".


Elle considère alors que le site internet en violant la loi française est susceptible de causer un dommage sur le territoire français.


Ainsi c'est la violation de la loi française, plus particulièrement les articles 16-7 du code civil (prohibition de la GPA) et 227-12 du code pénal (délit d'entremise) qui rend le site illicite.


Le demandeur au pourvoi remet en cause l'illicéité du site internet.


Selon le pourvoi, "la gestation pour autrui fait l'objet de débats et d'options juridiques très différentes selon les pays, on n'est pas unanimement réprouvés par une norme de droit international ; n'est donc pas manifestement illicite un site internet créé et développé en Espagne où la gestation pour autrui est licite, par une société de droit espagnol qui ne propose des prestations d'accompagnement à la gestation pour autrui que dans les pays où la maternité de substitution est légale, de sorte que quand bien même le contenu de ce site serait accessible au public français, aucune activité interdite par le droit français n'est effectivement exercée en France"


Pour autant, la Cour de cassation approuve la Cour d'appel qui a ainsi caractérisé l'existence d'un dommage subi par l'association sur le territoire français au regard de la loi s'y appliquant.


Il n'est pas interdit, ni illicite pour une société de droit espagnol de faire la promotion de la GPA qui est licite en Espagne. Ce qui est illicite c'est que le site vise principalement la France. Or la France prohibe la GPA. L'hébergeur devait par conséquent ne pas rendre accessible le site espagnol en France.




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