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Droit international privé

Actualité, Analyse et commentaire proposés par

Hélène Péroz

Professeure agrégée en droit privé et sciences criminelles à la faculté de droit de l'Université de Nantes

Of counsel  dans le cabinet d'avocats BMP et associés

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  • Photo du rédacteurheleneperoz

Règlement succession. Application d'office de la compétence subsidiaire ? Saisine de la CJUE.


Civ. 1, 18 novembre 2020, n°19-15.438



M. C... X..., de nationalité française, est décédé en France le [...], laissant pour lui succéder son épouse, Mme Y..., et ses trois enfants issus d’une première union, D..., E... et A... (les consorts X...).


Les consorts X... ont assigné Mme Y... devant le président d’un tribunal de grande instance statuant en la forme des référés afin d’obtenir la désignation d’un mandataire successoral en invoquant la compétence des juridictions françaises sur le fondement de l’article 4 du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 en soutenant que la résidence habituelle de C... X... au jour de son décès était située en France.


La Cour d'appel de Versailles estime que la résidence habituelle du défunt était située au Royaume-Uni, État non membre au règlement (UE) n° 650/2012. Elle en conclut que la juridiction française était incompétente pour statuer sur sa succession conformément à l’article 4 du règlement.


Les consorts X... forment un pourvoi en cassation en invoque au soutien de leur demande l'application, non plus de l'article 4 du Règlement n°650/2012, mais celle de l'article 10.


L'article 10 point 1 a), du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen est relatif à des compétences subsidiaires. Il prévoit :


"Article 10 1 a

Lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n'est pas située dans un État membre, les juridictions de l'État membre dans lequel sont situés des biens successoraux sont néanmoins compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession dans la mesure où:

a) le défunt possédait la nationalité de cet État membre au moment du décès"


Or, force est de constater que les consorts X... n’avaient pas invoqué la compétence de la Cour d'appel sur le fondement de l’article 10, mais sur le seul fondement de l'article 4 du Règlement.


L'article 4, compétence de principe, donne compétence aux Etats membres de la dernière résidence du défunt. La Cour d'appel a considéré que le défunt résidait au Royaume Uni, Etat non membre du Règlement n°650/2012 et que par conséquent les juridictions françaises n'étaient pas compétentes.


La question qui se pose est de savoir si la Cour d'appel devait vérifier d'office sa compétence subsidiaire en application de l'article 10 avant de déclarer l'incompétence des juridictions françaises en application de l'article 4.


La Cour de cassation saisit la Cour de Justice de l'union européenne de la question préjudicielle :


« Les dispositions de l’article 10, point 1a), du règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen doivent-elles être interprétées en ce sens que, lorsque la résidence habituelle du défunt au moment du décès n’est pas située dans un État membre, la juridiction d’un État membre dans lequel la résidence habituelle du défunt n’était pas fixée mais qui constate que celui-ci avait la nationalité de cet État et y possédait des biens doit, d’office, relever sa compétence subsidiaire prévue par ce texte ? »


Elle relève différents arguments en faveur où à l'encontre de la vérification d’office par le juge de la compétence subsidiaire.


En faveur de l'application d'office, il serait incohérent, d'appliquer d'office le règlement (UE) n°650/2012 dans le cadre d'une succession transfrontière, sans appliquer d'office ses règles de compétences. "Il ne serait donc pas logique qu’après avoir relevé d’office la mise en œuvre du règlement pour trancher un conflit de juridiction, les juges puissent écarter leur compétence au profit d’un État tiers, sur le fondement du seul l’article 4, sans avoir à vérifier au préalable leur compétence subsidiaire sur celui de l’article 10".


Cet argument ne nous convainc pas. Certes, le règlement (UE) n°650/2012 doit être appliqué d'office par le juge, mais cela ne signifie pas que toutes ses dispositions soient d'ordre public.


Contre l'application d'office, la Cour de cassation relève trois arguments.


Le premier est que la règle de l’article 10, présentée par le règlement comme subsidiaire, a pour effet de déroger au principe d’unité des compétences judiciaire et législative qui innerve le règlement puisque lorsqu’une juridiction de l’État dans lequel le défunt n’avait pas sa résidence habituelle se reconnaît compétente sur le fondement de l’article 10, elle sera néanmoins conduite à appliquer la loi de l’État de résidence habituelle (sauf jeu de l'article 21 du règlement ou de l'article 22).


Selon le deuxième argument, le règlement prévoit expressément, à l’article 15, l’obligation pour le juge incompétent de relever d’office son incompétence, il ne prévoit aucune disposition équivalente en cas de compétence. S'il ne prévoit pas une obligation d'office pour le juge de relever sa compétence, c'est qu'une telle obligation n''existe pas.


Selon le troisième argument, les règles sur les successions relèvent, au sens du règlement, des droits disponibles, puisque cet instrument autorise les parties à convenir de la compétence par une convention d’élection de for (article 5) et retient la possibilité pour une juridiction de se déclarer compétente sur le fondement de la seule comparution (article 9). Il serait dès lors illogique que le juge soit tenu de relever un critère subsidiaire de compétence que les parties n’ont pas envisagé de soulever.


Il existe donc un doute raisonnable sur la réponse qui peut être apportée à cette question, qui est déterminante pour la solution du litige que doit trancher la Cour de cassation. La Haute juridiction saisit donc la CJUE d'une question préjudicielle.

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