Subsidiarité de l'article 15 du Code civil. Réaffirmation du principe.
- heleneperoz
- 23 mai 2020
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Civ. 1, 13 mai 2020, n°19-10.941
M. X., demandeur, a assigné M. Y. devant le tribunal de grande instance de Grenoble en répétition de l’indu.
M. Y, défendeur, a soulevé l’incompétence de la juridiction française.
La Cour d'appel de Grenoble déclarent les juridictions françaises territorialement incompétentes pour connaître du litige au profit des juridictions algériennes, au motif que M. X. aurait renoncé au privilège de juridiction de l’article 15 du code civil.
Les articles 14 et 15 du Code civil sont des fors exorbitants ou privilèges de juridictions qui fondent la compétence des tribunaux français sur la seule nationalité française des parties.
L'article 14 du Code civil prévoit l'hypothèse où le demandeur est français. Il peut alors assigné un défendeur domicilié à l'étranger en France.
L'article 15 du Code civil prévoit l'hypothèse où le défendeur est français. Ainsi, le demandeur, même étranger, pourra assigner le défendeur français devant les juridictions françaises, alors même que ce dernier est domicilié à l'étranger.
Cependant, les fors exorbitants sont facultatifs et les parties peuvent y renoncer (Ch. mixte, 28 juin 1974, Alcover). Cette renonciation peut être expresse ou implicite.
En l'espèce, Y, le défendeur, est français, mais la Cour d'appel de Grenoble considère que X, le demandeur, a renoncé implicitement à l'article 15 du Code civil. Ne pouvant plus invoquer le for exorbitant par sa renonciation, elle considère alors que les tribunaux français étaient incompétents.
La Cour de cassation casse l'arrêt au visa de l’article 15 du code civil et de l’article 42 du code de procédure civile.
Elle rappelle que l'article 15 du Code civil donne compétence à la juridiction française en raison de la nationalité du défendeur, n’a vocation à s’appliquer que lorsqu’aucun critère ordinaire de compétence territoriale n’est réalisé en France.
Elle réaffirme le principe de subsidiarité des fors exorbitants selon une jurisprudence clairement établie (Civ. 1, 19 novembre 1985, Soc. Cognacs and Brandies).
Par conséquent, avant d'envisager la compétence des tribunaux français sur les fondements des articles 14 et 15 du Code civil, il faut rechercher si un tribunal français est compétent en vertu d'une règlement européen ou d'une convention internationale, à défaut en application des règles ordinaires de compétence.
C'est pourquoi la Cour de cassation vise l'article 42 du Code de procédure civile. En effet, à défaut de textes supra nationaux, la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne (Pelassa, Civ., 19 octobre 1959 et Scheffel, Civ., 30 octobre 1962).
Aux termes de l'article 42 du Code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur. Par extension, les tribunaux français sont compétents si le défendeur est domicilié en France.
Or, dans ses conclusions, M. Y défendeur à l’action, se déclarait lui-même domicilié en France.
Il n'y avait donc pas lieu d'envisager l'application des fors exorbitants, les tribunaux français étant compétents en vertu des règles ordinaires de compétence.
Excellente analyse sur la subsidiarité de l'article 15 du Code civil ! Cette réaffirmation du principe révèle l'importance des mécanismes de résolution des conflits de lois dans notre système juridique. L'article 15 du Code civil français, souvent méconnu du grand public, constitue pourtant un pilier fondamental du droit international privé français depuis sa création en 1804.
Les origines historiques et l'évolution jurisprudentielle
L'article 15 trouve ses racines dans les préoccupations napoléoniennes de protéger les intérêts français face aux juridictions étrangères. Cette disposition, initialement conçue comme un privilège de juridiction, a progressivement évolué vers un mécanisme de compétence subsidiaire plus nuancé. La jurisprudence a ainsi affiné son application, notamment avec l'arrêt Pelassa de 1948 qui a limité son champ d'application aux…
Excellent article qui met en lumière la subsidiarité de l'article 15 du Code civil. Cette question juridique complexe mérite d'être approfondie, notamment dans ses implications pratiques au sein du droit français contemporain.
L'évolution historique de l'article 15 du Code civil
L'article 15 du Code civil, promulgué en 1804, trouve ses racines dans les préoccupations révolutionnaires concernant la protection des citoyens français à l'étranger. Ce texte, apparemment simple, cache en réalité une architecture juridique sophistiquée qui s'articule autour du principe de subsidiarité.
La subsidiarité, concept fondamental du droit international privé, implique que la compétence juridictionnelle française ne s'exerce qu'en l'absence de solutions efficaces dans l'ordre juridique étranger. Cette approche respecte la souveraineté des États tout en garantissant l'accès à la justice…